lundi 9 août 2010

Mussoorie - मसूरी

Vendredi après-midi, des milliers de pèlerins d'orange vêtus défilent dans l'avenue principale de Roorkee. Aucun bus en direction de Dehra Dun (capitale de l'état d'Uttarakhand et passage obligé pour atteindre Mussoorie) ne partira donc de la gare centrale ; on nous dirige vers un arrêt de bus, si l'on peut appeler cela un arrêt puisque les nombreux bus qui y passent ne s'arrêtent pas ; pour monter, il faut sauter. Les destinations ne sont pas écrites (en hindi peut-être mais ce n'est même pas sûr), ce qui rend notre tâche plus difficile encore. Après quelques minutes d'attente et aucun bus pour nous n'arrivant, un homme qui depuis le début semble être disposé à nous aider, nous conduit vers une petite camionnette qui vient de s'arrêter un peu plus loin. Quelques personnes ont déjà pris place, nous arrivons tout de même à monter tous les six à bord. Nous manquons déjà d'air et de confort quand le chauffeur invite vivement les gens à grimper en direction de Dehra Dun ; au maximum nous avons été une vingtaine à l'arrière, assis ou debout.  A notre arrivée, il commence à pleuvoir ; c'est le bon moment pour monter dans un autorickshaw et parcourir les 7 kilomètres entre notre point de chute et la gare de bus reliant Dehra Dun et Mussoorie.

L'ascension, de nuit, est sportive. Le conducteur semble connaître chacun des virages ; de puissants phares et un avertisseur polyphonique opérationnel nous garantissent une sécurité loin d'être optimale mais de circonstance.


Après avoir posé bagages au Paramount Hotel, nous nous mettons en quête d'un endroit calme proposant de la viande et des bières fraiches ; The Imperial Square répond bien à nos attentes.
Les panneaux de signalisation indiquant lors de la domination britannique (1858-1947) : « Interdit aux chiens et aux Indiens » ont disparu.


Le lendemain matin, après un copieux petit-déjeuner, nous entamons une marche qui, si l'on excepte quelques temps de répit, durera jusqu'au soir. Nous nous promenons d'abord sur Camel's Back Road qui prend son nom d'un éperon rocheux en forme de bosse de chameau. Calme et apaisante, cette route de 3 kilomètres offre de beaux points de vue malgré les nuages qui lentement se dissipent.


Nous trouvons un nouvel hôtel, conseillé cette fois-ci par le Guide du Routard. Déçus par l'hôtel précédent, très sale, aux draps humides et sans douche, nous nous installons au Deep Hotel, dans une grande chambre pour six et pour la modique somme de 1500 roupies. Nous reprenons des forces à proximité avant de repartir en direction de Happy Valley, où se trouve un village de réfugiés tibétains.

Chaque année, de nombreux enfants tibétains fuient leur terre natale pour tenter de rejoindre des écoles créées en Inde par le gouvernement tibétain en exil. Confiés à des passeurs, ils risquent leur vie en traversant clandestinement les frontières et en marchant pendant près d’un mois à travers la chaîne himalayenne. L’école de Mussoorie accueille près de 2 400 enfants. Ayant laissé derrière eux leur famille, ils sont considérés comme des orphelins. Ils y reçoivent une éducation tibétaine et découvrent l’histoire de leur peuple et de leur pays.


Petite note historique:

Les tibétains ont vécu dans l'harmonie et la paix durant des siècles, adhérant aux principes de non-violence et aux enseignements du Bouddha. En 1959, l'invasion des communistes chinois secoua brutalement leur vie. Des milliers de gens innocents et vivant en paix périrent tandis que beaucoup furent emprisonnés et torturés. A la suite de l’invasion, plus de 1 200 000 tibétains sont morts et plus de 6 000 monastères anciens ont été détruits.
C'est dans ces circonstances qu'en 1959, Sa Sainteté le Dalaï Lama, chef spirituel et politique du peuple tibétain, a miraculeusement réussi à s’échapper en Inde pour demander l’asile. Il fut suivi par des milliers de tibétains de tout milieu qui cherchèrent refuge dans les pays limitrophes : Inde, Népal et Bhoutan. Mussoorie, dans l’état d'Uttarakhand, fut sa première résidence procurée par le gouvernement indien qui, conscient de la tragique situation, l’accueillit, lui et son peuple. En cette éprouvante période, de nombreux tibétains traversèrent, au péril de leur vie, les cols de l’Himalaya pour arriver à Mussoorie épuisés, malades et mourant de faim, traînant derrière eux des orphelins et des enfants démunis de tout. A cette époque, l'un des principaux soucis du Dalaï Lama fut de donner une éducation à ces enfants. Il souligna la nécessité de créer un foyer tibétain afin de leur procurer une vie de famille normale.




Aujourd'hui, près de 5 000 tibétains vivent à Mussoorie. Au cours de ces dernières années, le village a reçu en moyenne, 200 nouveaux enfants par an. Ceux qui parviennent en Inde sont les plus chanceux car beaucoup meurent en route. Agés de 6 à 12 ans et issus de familles pauvres, ils prennent à l'arrivée le statut de réfugiés et sont véritablement démunis de tout.
Happy Valley abrite également un petit temple tibétain. Construit en 1960 par des réfugiés, ce fut le premier sur le territoire indien. Sur les hauteurs du village, des centaines de guirlandes de tantras multicolores claquent au vent. Ces tantras sont des textes présentant l'enseignement ultime offrant la connaissance du monde et les pratiques les plus pointues dans le domaine de la spiritualité. Le canon tibétain (sorte de bible du bouddhisme tibétain) contient environ 500 tantras, complétés par plus de 2000 commentaires.
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La journée se termine par un bon repas dans un grand et agréable restaurant (The Tavern) dont la critique m'a fait saliver : « La cuisine est tout simplement excellente, du plat principal aux desserts. Les viandes sont fondantes, les cuissons parfaitement maîtrisées. Une adresse que les carnivores apprécieront particulièrement après une petite cure végétarienne dans la vallée du Gange. Live music certains soirs ». Tout était vrai, nous avons même chanté Yesterday, Paolo (notre italien) à la guitare...
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Le lendemain à 9h15, un bus nous attend. Un tour dans les montagnes aux alentours de Mussoorie nous fait notamment découvrir les Kempty Falls, cascades très appréciées des britanniques au temps de l'Empire Indien et peut-être encore plus des Indiens aujourd'hui. La chute d'eau prend forme 1400 mètres plus haut pour se diviser ensuite en 5 nouvelles cascades. A plus de 12 mètres, l'eau surgit et donne alors l'apparence de sauter et jouer sur les rochers avant de tomber. Ici se baignent presque essentiellement des hommes, la trentaine et, il faut le dire, plutôt bedonnants.
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De gauche à droite : Paolo, Jean-Philippe, Sandra, Anice et Ute
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Vers 15 heures, nous montons en vitesse dans un bus en direction de Dehra Dun, à peine installés à l'arrière, le départ est donné. Cependant, quelques secondes plus tard, une femme suivie de sa famille nous demande si nous avons nos tickets, bien sûr nous n'en avons pas. D'un ton sévère elle nous dit «Stand up!», s'en suit une descente de 30 kilomètres, durant laquelle nous sommes debout et bien agrippés aux barres de fer, horizontales ou verticales. Une jeune femme et un homme, lassés des lacets, vomissent par la fenêtre. A pleine vitesse, les virages en épingle, les klaxons et les dépassements sans visibilité ne font pas bon ménage ; les vaches sur le bord de la route n'aident en rien.
Nous arrivons enfin à Dehra Dun, bien contents de toucher la terre ferme mais sous une pluie battante et sans savoir où prendre le bus pour Roorkee. La pluie s'arrête un court instant puis redouble d'intensité lorqu'il nous faut sortir du rickshaw à proximité d'une nouvelle gare de bus. On trouve d'abord abri dans une petite échoppe, trempés jusqu'à l'os. Quelques mètres sous ce déluge suffisent à nous rafraichir profondément. Cinq minutes plus tard, on nous montre un bus, celui-ci doit partir pour Roorkee. Nous courons alors sur une cinquantaine de mètres en évitant les plus grosses flaques et prenant garde à nos vies au moment de traverser quatre voies, au trafic heureusement peu encombré. A notre grand désarroi, ce bus n'est pas le bon ; il part pour Delhi. Une nouvelle chevauchée fantastique, sans cheval mais harassante, s'annonce. Nous sommes enfin au sec mais trempés, et pas encore au bout de nos peines. Deux heures de bus, encore barbouillés et humides des précédents trajets, nous permettent d'apprécier la puissance de notre klaxon qui résonnera à nos oreilles toutes les 5 secondes et de juger encore une fois de la faiblesse des amortisseurs qui, à chacun des très nombreux dos d'âne semés ça et là, ne manquaient pas de nous faire (sur)sauter.

2 commentaires:

  1. Merci !! Tu n'as pas changé ... un peu plus bronzé peut-être .. Aventure vraiment géniale .; photos de + en + belles !!
    Bisous

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  2. Il y a quelques jours, tu devais avoir l'estomac bien accroché en raison des odeurs et de la misère humaine.
    Là, c'est le coeur qui doit être solide durant ces voyages trépidants.
    Tu as conservé le sourire ; c'est l'essentiel !

    Gilles

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