lundi 27 septembre 2010
mercredi 22 septembre 2010
mercredi 15 septembre 2010
Varanasi - वाराणसी / Sarnath - सारनाथ (Uttar Pradesh)
Malgré un temps la volonté d'un empereur d'y effacer toute trace de religions autres que l'Islam, Varanasi est resté, à l'image du Vatican pour les catholiques ou de La Mecque pour les musulmans, le plus grand lieu saint de l'hindouisme.
La ville tire son nom des deux affluents du Gange qui s'y jettent, l'un au nord, l'autre au sud : la Varunâ et l'Assî. Elle est également appelée Bénarès ou Banâras dont l'étymologie est moins évidente. Déformation anglaise de Varanasi que les colonisateurs britanniques avaient du mal à prononcer? Ou juxtaposition des deux termes hindis « banâ » (toujours prêt) et « ras » (suc vital) qui signifierait qu'ici le suc vital est à la disposition de celui qui a soif de Dieu et de la vie? Shiva seul le sait.
Pour les hindous, mourir à Varanasi c'est en finir avec le cycle des réincarnations et atteindre alors le moksha (libération du cycle, délivrance - équivalent au nirvana bouddhiste). Y faire ses ablutions dans l'eau du Gange est censé purifier l'âme des pêchés d'une vie entière. Les ablutions se déroulent sur les ghâts, ces escaliers de granit qui bordent le fleuve sur plusieurs kilomètres. Chaque matin, au soleil levant et quelque soit la température, des milliers de pèlerins s'y pressent pour y accomplir un seul et même rituel, simple et rapide pour ne pas dire efficace : s’immerger entièrement à trois reprises puis boire une gorgée d’eau. La dernière étape est parfois oubliée, peut-être volontairement, et cela vaut sûrement mieux. Comme l'écrivit l'américain Mark Twain : « Aucun microbe qui se respecte ne saurait vivre dans une eau pareille » et ce qui va suivre, sans rien enlever à la pureté du Gange, ne le rendra pas plus propre.
Varanasi, ville de la vie, « la lumineuse », est aussi la ville de la mort. On vient y mourir, y libérer son âme et confier ses cendres au fleuve sacré. Deux ghâts sont dévolus aux crémations ; c'est le plus petit des deux (Harishchandra Ghât) que je découvre. Ici brûlent cinq ou six bûchers, et ce nuit et jour. On dit que le feu ne s'est jamais arrêté depuis plusieurs milliers d'années ; c'est une réalité. La ville n'est connue par certains que sous le surnom de Maha Shmashan Puri qui signifie « le feu qui ne s'arrête jamais ».
La cérémonie de la crémation suit un rituel précis : d'abord, attaché à une civière de bambou, le corps du défunt, recouvert d'un linceul et de fleurs, est lentement plongé dans le Gange. Ensuite, on l'installe sur le bûcher et les membres de la famille (les femmes sont le plus souvent exclues) saupoudrent le corps de différentes substances dont j'ignore les noms et l'utilité. Le fils aîné ou le plus proche parent masculin - qui se sera fait raser la tête en gardant seulement un petit épi de cheveux – met le feu au bûcher en tournant 5 fois autour (un tour pour chacun des éléments originels et un dernier pour l'âme). Sur les visages, on ne peut déceler aucun signe de tristesse ; sans pleurs, tout est accompli mécaniquement. Le contraste avec la pudeur qui entoure la mort en Occident est saisissant. Ici en Inde, on peut tout voir, tout entendre, tout sentir et ressentir.
Un corps met environ 3 heures à brûler et il faut environ 350 kilogrammes de bois pour assurer une crémation parfaite. Du prix du bois, de 5 à 100 roupies le kilogramme, dépend la qualité de la crémation. Pour ceux qui n'ont pas assez pour s'offrir une crémation sur l'un des deux ghâts, un grand crématorium électrique aux quatre piliers solidement plantés dans le Gange, a été construit. S'y faire incinérer coûte actuellement 500 roupies environ. Les cendres sont ensuite directement confiées au Gange après que les âmes des morts aient rejoint le ciel ; pour les hindous, le corps n'est qu'un vêtement qui part... Le corps part, l'or et l'argent restent. A longueur de journée, des hommes fouillent les cendres à la recherche des précieux éléments. Triste travail.
Seuls cinq êtres vivants sont considérés comme purs et n’ont pas besoin de passer par le bûcher avant de se mêler aux eaux du Gange : les sadhus (ascètes), les bébés, les femmes enceintes, les morts de la variole ou de la lèpre et les victimes de cobras (serpent sacré). Ceux-ci sont directement immergés au milieu du fleuve, parfois enterrés.
Je demande pourquoi Varanasi ne se situe que sur la rive gauche du fleuve ; on me répond : « Pourquoi aller vivre et mourir sur l'autre rive, dans la jungle, alors que tout est ici... » Pas faux, d'autant plus que le nom initial de cette cité est Kashi qui signifie « le lieu qui attire tout le monde ». Un homme rajoute en d'autres termes que les Indiens préfèrent la foule au vide des grands espaces, cela les rassurent.
Un matin, nous partons pour Sarnath. Situé à une dizaine de kilomètres au nord de Varanasi, c'est un des plus importants lieux sacrés bouddhistes. En effet c'est ici que Bouddha a prêché son premier sermon il y a environ 2 500 ans, après avoir lui même obtenu l’illumination à Bodhgaya. Le Dalaï-Lama vient y prier chaque année.
Au retour, notre rickshaw manque de faire tomber une moto et nous permet de voir pour la première fois un Indien piquer une grosse colère. Sur le coup puis sous les coups, nous ne faisions pas les fiers. L'homme, visiblement accompagné de sa femme (cela a peut-être accentué sa frayeur et donc sa fureur) met pied à terre puis assène un puissant crochet droit suivi de deux gifles à notre conducteur, les mains jointes en prière. Ce dernier, sous le choc, remet les gaz et ne dira plus un mot.
Plus tard, nous nous promenons dans le Chowk, le vieux quartier qui longe les ghâts. Impossible de ne pas se perdre dans ce véritable labyrinthe de ruelles étroites et tortueuses. La ballade se révèle tout de même très agréable ; dans la journée, le Chowk est un des marchés les plus riches qui soient.
Nous profitons du calme d'un tour en barque, une fois très tôt le matin, au lever du soleil, une autre le soir au moment de la cérémonie quotidienne qui se déroule au Dasashwamedh Ghât.
Puis il est temps de sortir de ce rêve. « Il est des villes - telle Bénarès – encore tellement imprégnées de prière, malgré l'invasion du doute moderne, que l'on y est plus qu'ailleurs libéré d'entraves charnelles, et plus près de l'infini » (Pierre Loti)
La gare est imposante ; ses murs blancs aux nuances ocres semblent avoir été repeints récemment.
Sur le quai, le décor est différent. Un homme pousse un charrette chargée de fruits ; des enfants pieds nus, un sac de jute sur l'épaule, collectent les nombreuses bouteilles en plastique négligemment jetées sur les voies la nuit précédente ; d'autres, plus âgés, vêtus d'une tunique d'un bleu turquoise clairement de mauvais goût, balaient les quais ou nettoient les rails au jet d'eau.
Un train en provenance de Chennai (Madras) fait son entrée ; en descendent de nombreux touristes sri-lankais qui passeraient presque pour des indiens du coin. Leurs sacs rouges habilement transportés sur la tête des hommes et des femmes et soigneusement étiquetés les trahissent de belle manière. Alors, les saris multicolores défilent ; en arrière plan, la carcasse du train un peu rouillée et aux bleus délavés reprend sa route.
Rapidement, un enfant à moitié nu vient à mes côtés me demander quelques roupies. De la main droite il me montre, en la portant à sa bouche en petits gestes répétés, qu'il a besoin de manger ; de la gauche il tapote mon genou et se fait de plus en plus pressant. Finalement, je lui donne dix roupies. Sans un regard, l'enfant, âgé peut-être de sept ans à peine disparaît entre deux marchands de journaux criant à tue-tête les noms de leurs quotidiens.
Une vieille femme à la démarche titubante avance sur le quai ; le poids des années et d'une vie de misère l'ont sûrement amenée à Varanasi pour y rendre l'âme. Un policier parcoure le quai opposé à moto au moment où devant moi, après qu'un beau drap rouge et vert ait été étendu sur le sol, s'installe une famille nombreuse dont je fais avec grand plaisir la connaissance.
Après nous avoir imposé quelques minutes d'obscurité, le train d'en face repart enfin et laisse la douce lumière du jour nous parvenir à nouveau. Un vieillard s'assoit lentement, des enfants jouent, un nouveau-né ouvre les yeux.
Fatehpur Sikri - फतेहपुर सीकरी / Bharatpur - भरतपुर (Rajasthan) / Sikandra - सिकंदरा (Uttar Pradesh)
Notre première excursion après la visite d'Agra hier nous mène à Fatehpur Sikri, ville située à une trentaine de kilomètres d'Agra et qui reste à ce jour la mieux préservée des villes fantômes indiennes. Bâtie à Sikri par l'empereur Akbar pour rendre grâce à un prêtre dont les bénédictions lui donnèrent trois fils, elle fut durant 13 ans la capitale de l'Empire Moghol puis abandonnée à jamais suite à la baisse de la nappe phréatique qui ne suffisait alors plus à subvenir aux besoins en eau de la population. La sécheresse qui sévit à cette époque avait également eu raison des réservoirs et du lac artificiel créés par l'empereur.
La ville consiste en une impressionnante succession de palais qui ont surprenamment très bien résisté aux altérations du temps. L'architecture, baroque, reflète les inspirations religieuses très différentes d'Akbar : hindoue, jaïne, musulmane et même chrétienne ; inspirations que l'on accordera sans doute à ses nombreuses femmes de toutes croyances mais également à sa volonté farouche d'instaurer dans son royaume la tolérance religieuse et qui plus est une nouvelle religion, fruit de toutes les autres.
Nous nous rendons ensuite à Bharatpur, plus connu aujourd'hui pour son parc national inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO que pour les dynasties des temps anciens qui s'y succédèrent.
L'ancienne réserve de chasse des Maharajas est à présent une des principale zone d'hivernage pour des oiseaux migrateurs venus d'Afghanistan, du Turkménistan, de Chine ou encore de Sibérie.
Peu de volatiles sont là pour nous accueillir ; il semble que le manque de pluie qui touche le nord de l'Inde depuis quelques années en soit la cause. De plus, la majorité des oiseaux migrateurs ne commence à coloniser le parc qu'à partir d'octobre. Nous étions donc un peu en avance. Cependant, antilopes, buffles, singes, hyènes sont au rendez-vous, souvent là où on ne les attend pas, au détour d'un chemin, au milieu de la route, ou sous un arbre, au loin.
Le lendemain matin nous prenons un rickshaw en direction de Sikandra, à 12 kilomètres au nord d'Agra. C'est ici-même que se trouve le colossal mausolée de l'empereur Akbar (Akbar's Tomb) ainsi que les tombes de ses femmes et enfants.
mardi 14 septembre 2010
Delhi - दिल्ली / Agra -आगरा
Delhi sous la pluie, ce n'est pas toujours le pied. A pied, après une nuit pluvieuse, le quartier de Pahar Ganj n'est pas le plus agréable pour une première ballade matinale. La rue principale (Main Bazar Road) s'est transformée en un chemin boueux ; les déchets n'ont pas disparu. Sur les côtés, les bâtiments en cours d'aménagement en vue des Commonwealth Games prévus en Octobre, semblent en ruine. Je ne saurais dire ce qui a changé depuis la mi-juillet, visiblement les travaux ne seront pas terminés à temps.
Après avoir acheté nos billets de train pour Agra à la gare de New Delhi, dans laquelle de nombreux escrocs officiels, rabatteurs d'agences privées jouent les officieux informateurs, nous nous dirigeons vers Old Delhi, qui comme son nom l'indique n'est pas nouveau et le Fort Rouge construit il y a un peu moins de quatre siècles.
Il n'est pas rare d'apercevoir sur les trottoirs barbiers ou coiffeurs exerçant au milieu de la foule, du bruit et des odeurs. Alors qu'à quelques mètres, voitures, camions, motos et rickshaws s'époumonent à grands coups de klaxons, leur geste doit rester précis, du petit matin au coucher du soleil.
Près du parc Mahatma Gandhi, à l'écart des ruelles tortueuses et des grandes rues animées, de nombreux enfants et adolescents se sont donné rendez-vous pour une interminable partie de cricket, le sport national indien. Car s'il est méconnu chez nous, ce sport cristallise ici toutes les passions et permet souvent de "s'extraire de la morosité". Au temps de l'Inde coloniale, tous les Indiens ont fait cause commune pour battre les Britanniques à leur propre jeu et atteindre leur reconnaissance. Dans un pays où 44% de la population vit avec moins de un dollar par jour, seul le cricket permet d'éclipser, du moins pour quelques heures, la dure réalité. De plus, l'Inde, seconde nation la plus peuplée du monde, n'a presque que cette discipline pour se faire une petite place sur l'échiquier mondial du sport.
Plus tard, nous remarquons qu'il est au moins un endroit en Inde où l'on ne s'y croirait pas : le métro de Delhi. Aussi calme que propre, plus surveillé et aussi bien organisé que ces prédécesseurs londoniens ou parisiens, le réseau semble fonctionner à merveille.
Lorsqu'on y entre, lorsqu'on en sort, c'est à croire que ce monde souterrain n'appartient pas à cette ville quelques mètres au dessus de nos têtes où transport rime avec sport, où la vie s'accorde avec le chaos, la misère et le bruit. Les gens eux-mêmes semblent sortis d'un autre univers : chacun est assis, immobile ; on ne parle pas, ou si peu. Et, pour 8 roupies seulement, de la station de Chandi Chowk, nous rejoignons celle de New Delhi.
Le soir, nous montons dans notre train en direction d'Agra dans lequel nous faisons connaissance avec deux jeunes polonais et arrivons dans la ville du Taj Mahal vers 22h.
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