Après déjà trois mois passés en Inde, un séjour hors des frontières s'imposait. Le Népal, petit pays entouré de deux géants, l'Inde et la Chine, et qui peut se targuer de détenir les plus hautes montagnes du globe, s'est présenté comme la destination idéale. Et même si l'on peut au premier abord penser que ce pays est une réplique miniature de son voisin indien, la contrée népalaise, au carrefour mythique de la route de la soie et du sel, s'est révélée être d'un grand dépaysement. Le Népal, dont la pauvreté des habitants n'a d'égal que leur authentique sens de l'hospitalité, est le seul pays dont le drapeau n'est pas rectangulaire.
De cette semaine, courte mais chaque jour un peu plus enrichissante, je retiendrai les sourires, radieux et spontanés qui éclairent les visages et pleuvent au hasard des rues, les paysages dont la beauté laisse souvent sans voix, la religion également, omniprésente, hindouiste ou bouddhiste (les gens pour la plupart sont hindous ET bouddhistes) dans ce pays qui, n'ayant jamais été colonisé a conservé une culture et des traditions très anciennes.
Après avoir pu admirer par le hublot la majestueuse chaîne himalayenne, nous atterrissons à Katmandou, capitale politique et religieuse du Népal, la ville la plus peuplée (environ 1,5 million d'habitants) et la seule à posséder un aéroport international. Ce dernier, qui ne comporte qu'une seule piste d'atterrissage et de décollage, aux murs de briques rouges et à l'intérieur vieilli mais charmant, contraste grandement avec celui de New Delhi, totalement rénové pour l'accueil des Jeux du Commonwealth.
Nous passons l'après-midi à nous promener dans le vieux Katmandou, de temple en temple, de pagode en pagode, de stupa en stupa ; nous commençons à découvrir ce Népal touristique mais authentique et sommes à nouveau étonnés de l'importance voire l'omniprésence de la religion dans la vie de ses habitants. Dès le lendemain matin, nous partons pour Pokhara, une des destinations touristiques les plus populaires du pays, située à 200 kilomètres à l'ouest de Katmandou dont je parlerai un peu plus bas.
POKHARA (पोखरा)
Nous nous attendions en cette fin du mois d'octobre et si près des pics enneigés de l'Himalaya, à avoir froid mais c'est sous un brûlant soleil d'été que nous descendons du bus qui en plus de 6 heures nous a transportés de Katmandou à Pokhara, sur une route de montagne aux paysages somptueux, cultures en terrasses aux verts changeants et pics himalayens à la blancheur immuable.
Pokhara est la troisième plus grande ville népalaise (200 000 habitants). Sa renommée repose sur la beauté naturelle de ses lacs et rivières, au pied de l'Himalaya. Elle est bordée au Sud par le lac Phewa qui s'étend sur plus de 4 km² à altitude d'environ 800 mètres. Au Nord, la périphérie de la ville touche le pied de la chaîne des Annapurnas. Il n'y a pas d'autres endroits au Népal où les montagnes s'élèvent aussi vite. Dans cette zone, sur moins de 30 kilomètres, l'altitude passe de 1000 à plus de 8000 mètres. Les montagnes dominent tout l'horizon nord de la ville et sont une source constante de contemplation et d'admiration pour les touristes et les habitants.
Notons que le trekking des Annapurnas figure parmi les 10 meilleurs parcours de trekking du monde et commence à partir de Pokhara seulement. Nous n'avions pas le temps ni peut-être la condition physique pour cela...
Après avoir posé bagages et satisfait notre faim, nous louons une barque et traversons le lac pour la rive Sud où s'élève une belle colline boisée au sommet de laquelle se dresse la World Peace Pagoda. Nous partons alors pour une courte randonnée d'une heure environ et atteignons l'imposant édifice fatigués mais émerveillés, car en plus d'être un spectacle impressionnant en soi, le sanctuaire est un excellent point de vue qui offre un superbe panorama de la vallée de Pokhara. Cette «Pagode de la Paix» a été construite par des moines bouddhistes de l'organisation japonaise Nipponzan Myohoji pour promouvoir la paix dans le monde.
Le lendemain, c'est à vélo que nous découvrons l'arrière-pays népalais. Sur quelques kilomètres, nous longeons la rive gauche du lac. Le reflet des nuages, du ciel bleu et des reliefs verdoyants sur ses eaux calmes magnifie la beauté de ce lieu idyllique. Sur le chemin pentu épousant la forme du lac, nous rencontrons peu de touristes ; en continuant notre route vers l'ouest, nous traversons quelques petits villages authentiques. Dans les rues, calmement quelques enfants jouent, des femmes, un enfant dans les bras, marchent lentement, d'autres au pas plus pressant, transportent de beaux paniers remplis de grandes herbes vertes.
Le jour suivant, dès l'aube, nous partons pour Sarangkot, un petit village perché à 1600 mètres, au sommet d'une colline entre Pokhara et la chaîne himalayenne. Le temps est clair, la vue magnifique. Peu avant 6h, le soleil apparaît à l'horizon, les premiers rayons viennent alors caresser les neiges éternelles à plus de 8000 mètres. On aperçoit entre autres la chaîne des Annapurnas (I, II, III et IV) dont le plus élevé (8091 mètres) a été le premier sommet de plus de 8000 mètres à être gravi (en 1950), et ce par un français (et son équipe), Maurice Herzog.
Après avoir parcouru beaucoup de kilomètres à vélo dans la campagne népalaise et navigué des heures sur le lac Phewa, nous quittons cette vallée de rêve, presque à regret.
KATMANDOU (काठमाडौं)
Après plus de 3 jours à Pokhara, nous reprenons la direction de Katmandou. Cette ville, fondée au Xe siècle et qui s'élève à 1350 m d'altitude est l'une des plus polluée d'Asie.
Ville très exotique, mi-moderne, mi-moyenâgeuse, Katmandou constitue pour nous la porte d'entrée et de sortie du Népal. Après trois mois en Inde, ma première impression n'est pas celle du chaos et de la saleté, plutôt la sensation de marcher dans une cité dont l'histoire n'a pas d'âge, combinaison de plusieurs espaces-temps. Les femmes marchent dans la rue en sari pendant que les conducteurs se frayent un chemin à grands coups de klaxons. On y découvre de belles scènes de vie au détour d'une rue ou d'une ruelle. Chacune, par son authenticité, nous rappelle à quel point la vie est belle lorsqu'elle est simple. Ainsi, même si les montagnes et le tourisme d'aventure restent les raisons principales pour venir au Népal, Katmandou demeure une grande et belle découverte. Les habitants ici comme à Pokhara ne semblent pas être malheureux, malgré la pauvreté.
Ville très exotique, mi-moderne, mi-moyenâgeuse, Katmandou constitue pour nous la porte d'entrée et de sortie du Népal. Après trois mois en Inde, ma première impression n'est pas celle du chaos et de la saleté, plutôt la sensation de marcher dans une cité dont l'histoire n'a pas d'âge, combinaison de plusieurs espaces-temps. Les femmes marchent dans la rue en sari pendant que les conducteurs se frayent un chemin à grands coups de klaxons. On y découvre de belles scènes de vie au détour d'une rue ou d'une ruelle. Chacune, par son authenticité, nous rappelle à quel point la vie est belle lorsqu'elle est simple. Ainsi, même si les montagnes et le tourisme d'aventure restent les raisons principales pour venir au Népal, Katmandou demeure une grande et belle découverte. Les habitants ici comme à Pokhara ne semblent pas être malheureux, malgré la pauvreté.
A quelques minutes à pied de notre hôtel, Durbar Square représente le centre-ville de Katmandou, là où l'histoire et les arts se combinent à merveille. On dit que la maison de repos « kastamandap » située en son centre a donné son nom à la vallée de Katmandou, la légende racontant qu'elle aurait été construite à partir d'un seul arbre.
Au centre de la ville, se situe un palace (le Kumari Ghar) où demeure une enfant déesse, la Kumari Royale de Katmandou. Nous l'avons aperçue quelques secondes ; la photographier est strictement interdit mais je vous résume cette étrange coutume.
Une Kumari (vierge en népalais) est une petite fille sélectionnée par un comité de prêtres, à l'âge de 4 ans environ parmi des milliers de candidates issues de familles bouddhistes. Considérée comme l'incarnation vivante de la déesse hindoue Taleju, elle doit d'abord satisfaire 32 critères (ou perfections) ; en voici quelques-uns : excellente santé, dentition impeccable, mains et pieds délicats, yeux sombres, cheveux bruns, voix mélodieuse, pas une goutte de sang versée…
L'élue doit également avoir un thème astral en parfaite harmonie avec l'homme au pouvoir (en 2008, le Népal est passé du statut de monarchie à celui de république, c'est donc avec le président et non plus avec le roi que l'harmonie doit s'opérer).
En plus de cela, la petite fille doit être posée et de nature courageuse. Avant que le choix ne soit véritablement arrêté, pour tester son courage, on sacrifie des buffles et des moutons. Elle doit alors, dans la pénombre, se balader entre les têtes animales sans vie.
A la suite de ce rituel, la nouvelle Kumari est parée de superbes vêtements puis est installée sur son trône et conduite à sa résidence. Cette pauvre gamine ne pourra plus en sortir, sauf portée sur un palanquin lors de certaines fêtes annuelles (12 sorties par an). Entre temps, la Kumari vit reclue, coupée du monde, et ne profite pas de son enfance. Pendant la durée de son règle divin, elle a des serviteurs et quelques professeurs particuliers qui se chargent de l’élever.
Dès que la petite se fait une écorchure entraînant une perte de sang (le sang est le symbole de l’impureté) ou que ses règles arrivent, elle est immédiatement destituée et l'on se met en quête d’une nouvelle Kumari.
Une fois qu'elles ont perdu leur précieux statut de déesse et que leur jeunesse est fichue, que deviennent ces petites filles? Leur réinsertion au monde réel doit sans doute être un vrai cauchemar. Le gouvernement a la bonté de leur accorder une allocation mensuelle de 6000 roupies (60€) soit environ quatre fois le revenu moyen népalais. Cependant elles sont souvent incapables d'évacuer la mysticité associée au statut de Kumari et ont souvent beaucoup de mal à s'adapter à la vie «normale». Aussi, n'espérez pas qu'elle trouve le bonheur auprès d’un charmant Népalais. Il se murmure que l’homme qui épouse une ancienne Kumari soit irrémédiablement destiné à une mort prochaine (cela dit la plupart des anciennes Kumaris se sont marié).
Matina Shakya, l'actuelle Kumari Royale, est apparue quelques secondes à la fenêtre centrale de sa belle demeure, joliment vêtue d'une robe de soie rouge et simplement maquillée. Elle n'a pas souri, on semblait lire dans ses yeux une pointe de désespoir. Pour cette fillette de six ans à peine, se montrer chaque jour aux touristes curieux ou aux croyants admiratifs est sûrement plus une corvée qu'un plaisir, plus une soumission qu'un jeu. En étant présent, j'ai en quelque sorte cautionné cette pratique ; je me demande si je ne le regrette pas un peu.
Plus tard, nous nous promenons dans le vieux quartier de Thamel, envoûtés par son côté rustique et moyenâgeux ; les touristes venus des quatre coins du monde se mêlent aux népalaises et népalais traditionnels.
BHAKTAPUR (भक्तपुर)
Bhaktapur se trouve à environ 13 kilomètres à l'est de Katmandou sur l'ancienne route commerciale qui jadis reliait l'Inde au Tibet. Aussi appelée Bhadgaon, cette ville antique qui s'élève à une altitude de plus de 1400 mètres nous fait découvrir l'architecture et l'art traditionnels népalais ; la poterie, les récoltes de céréales et les industries de tissage sont les activités principales de cette ville où le temps parfois semble suspendu.
Les enfants dehors s'amusent, des femmes confectionnent des pots d'argile, tissent et prennent soin des récoltes. La plupart des hommes, coiffé du traditionnel chapeau népalais (le topi), sont assis à l'ombre, seuls au fond de leurs boutiques ou réunis sous un abri.
La somme de 750 roupies (environ 8 euros) que chaque touriste doit verser à l'entrée de la vieille ville est je pense bien utilisée à l'amélioration du quotidien des habitants et à la restauration et l'entretien des très nombreux monuments.
La somme de 750 roupies (environ 8 euros) que chaque touriste doit verser à l'entrée de la vieille ville est je pense bien utilisée à l'amélioration du quotidien des habitants et à la restauration et l'entretien des très nombreux monuments.
SWAYAMBHUNATH (स्वयम्भूनाथ स्तुप)
En fin de matinée, le lendemain, dans la chaleur et la pollution (l'Himalaya au nord et Mhabharat au sud forment une barrière autour de la vallée de Katmandou qui empêche la dispersion de l'air pollué hors de la vallée), nous marchons en direction d'un des plus anciens et le plus saint des sites bouddhistes de Katmandou, Swayambhunath. C’est à partir de ce temple qu’a commencé l'histoire de la vallée de Katmandou. Cette fameuse vallée, qui n’était qu’un lac à l’origine, s'est métamorphosée quand, selon la légende, Bodhisattva Manjusri a coupé une gorge dans une colline du sud du Népal et drainé les eaux jusqu'à la vallée. Suite à la découverte d’un lotus qu'il admirait profondément lors de son passage sur le lac, il décida d’amener ses hommes à s'installer tout autour du lac et nomma cette terre « Vallée de Katmandou ». Aujourd'hui, ce complexe de stupas donne l’opportunité d'étudier l'harmonie religieuse du Népal (moines tibétains, prêtres hindous et bouddhistes prient côte à côte).
Après avoir monté les 365 marches qui mènent en haut de la colline, nous sommes accueillis par deux lions dorés gardant l'entrée. La plupart des monastères du temple comptent d'énormes moulins à prières, d’impressionnantes peintures bouddhiques et des lampes à beurre spéciales, lesquels ajoutent une touche d'élégance à ce lieu.
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Il est clair que le tourisme est une source de revenus majeure pour ce petit pays himalayen. Depuis la fin de la guerre civile entre les maoïstes et l'Etat, il y a quatre ans, le nombre de visiteurs étrangers a beaucoup augmenté ; cela ne m'étonne pas et je m'en réjouis. Le gouvernement a annoncé cette année avoir l'intention d'attirer un million de touristes l'an prochain, soit environ deux fois le nombre de visiteurs s'étant rendus au Népal l'an passé.
De Delhi à Roorkee, un bus nous ramène à la réalité. La nuit tombe rapidement. Et la lune, ronde et rousse, s'élève peu à peu dans le ciel tandis qu'au plafond dansent les ombres des écritures sanscrites de la vitre arrière que les phares derrière nous éclairent.